Le préservatif pour tous, ça c’était avant
D’après différentes enquêtes, les millenials utilisent de moins en moins des préservatifs et ont des relations sexuelles non protégées. Quelle est l’ampleur de ce phénomène chez les jeunes ? Est-il récent ? Pouvez-vous constater dans votre pratique professionnelle des conséquences de ce constat ? Nous ne pouvons pas parler de prévention perpétuelle quand la loi française qui prévoit des heures de formation chaque année n’est pas respectée. De très nombreux jeunes n’ont en aucun cas les éléments d’informations qui leur sont nécessaires. Trop souvent la pornographie se substitue à l’éducation. Les jeunes utilisent de moins en moins de préservatifs et nous pouvons le constater de façon concrète avec le nombre d’IVG. Celui-ci est stable artificiellement parce que nous les comptons mal : en France, il y a 15 000 IVG chez les moins de 18 ans et 90 000 IVG chez les moins de 25 ans, ce qui est pour moi un vrai problème de santé publique et qui revient à cautionner l'absence de prévention chez les jeunes. Si les pays autour de nous ont trois fois moins d’IVG chez les jeunes c’est qu’il y a un réel problème de prévention et de tabou sur la sexualité. Si les jeunes n'utilisent pas assez de préservatifs c’est uniquement à cause du manque d’éducation. Beaucoup pensent que le retrait est efficace, qu’avoir des rapports pendant les règles fait qu’on ne risque rien. Des jeunes filles affirment que la pilule fait grossir et donne le cancer, avec une clope au bec. Dans certains endroits il y a du volontariat d’associations qui fonctionnent très bien et les informations sont diffusées aux jeunes. Pour moi, moins de 10% des jeunes ont des informations correctes sur le sujet. Le pire dans cette situation est que ce sont toujours les jeunes femmes qui paient le prix fort de nos tabous et de nos faiblesses. Christian Jamin : Ce constat n'est pas forcément en adéquation avec ce que nous constatons, nous, en consultation. Quand on regarde notamment les ventes de l'industrie pharmaceutique, il apparaît qu'il y a de moins en moins de femmes qui prennent la pilule, et un certain recul de la contraception. Et quand on leur pose la question de savoir ce qu'elles font à la place, elles disent prendre des préservatifs. Je ne dirais donc pas que c'est ce que j'observe au quotidien dans mon métier, mais comme nous sommes ici dans le déclaratif… On assiste en revanche bien à un recul de la contraception médicale classique, et tous les médecins sont d'accord là-dessus. Les femmes rejettent la pilule, en particulier depuis que Marisol Touraine a créé cette phobie en 2012-2013 dont la pilule ne s'est pas remise. Nous avons eu une augmentation de 10 000 IVG à la suite de cette affaire en 2013, mais la tendance ne s'est pas poursuivie. Cela signifie que les femmes ont trouvé d'autres moyens contraceptifs. Comme il y a un peu moins de pilules, un peu plus de stérilets, et qu'il n'y a pas plus d'IVG, soit elles ont arrêté les rapports sexuels, soit elles utilisent d'autres méthodes… Une fois dit cela, il est certain que si les jeunes femmes utilisent encore le préservatif, il est possible qu'elles ne l'utilisent pas systématiquement. Le taux de grossesse sous préservatif est aux alentours de 15%, la contraception par préservatif est donc une "mauvaise" contraception, même s'il est irremplaçable pour la protection contre les maladies sexuellement transmissibles. Pourquoi ce taux ? Parce qu'on ne l'utilise pas à chaque fois. C'est là son point faible. Il existe trois formes de contraception. Premièrement, les contraceptions dites naturelles ou barrières (comme le préservatif) où l'acte contraceptif est directement lié à l'acte sexuel. Par définition, quand on a un rapport sexuel, on n'a bien souvent pas la tête à sa contraception, et c'est pour ça que cela peut donner des taux de grossesse suivant les méthodes utilisées, entre 15 et 40% par an. Deuxièmement, la méthode où la femme fait le choix d'avoir une contraception de manière régulière (pilule, patch, anneau…). C'est beaucoup plus efficace (à 99,5% théoriquement, à 94% en réalité). Cela veut dire que 6% de ces femmes se retrouvent enceintes tous les ans car elles arrêtent transitoirement leur pilule. Troisièmement, la situation où la femme n'est plus maîtresse de sa contraception (stérilet, implant…). Ici, les taux d'efficacité sont à 99,5%. Ce transfert de la "deuxième" et de la "troisième" contraception vers les préservatifs est une très mauvaise chose pour l'effet contraceptif.