Changements de régime
Alors que la plupart des processus récents de « passage à la démocratie » s’accompagnent de la formation d’un champ politique dominé par des partis, les spécialistes des démocratisations étudient très inégalement ces derniers selon l’« aire culturelle » dans laquelle ils s’inscrivent. Il en résulte tantôt un effet de grossissement et de naturalisation des partis – auxquels est alors attribué a priori un rôle déterminant dans la « réussite » de la démocratisation, comme dans les sociétés postcommunistes et en Amérique latine –, tantôt une désaffection, voire une indifférence des sciences sociales qui appliquent alors une grille de lecture clientéliste, communautaire ou même tribale du jeu politique à des sociétés qu’elles considèrent globalement comme rétives à une « véritable » démocratisation, comme en Afrique subsaharienne et au Maghreb. Plus on s’éloigne de l’Europe occidentale vers l’Est et le Sud, plus les partis sont disqualifiés en tant qu’objets de recherche. Ce discrédit tient sans doute au poids de certaines routines disciplinaires ou paradigmatiques et, disons-le, à la prégnance de préjugés culturalistes. Par la comparaison de terrains géographiquement et culturellement différents à laquelle il invite, ce dossier entend rompre avec les logiques de répartition de la valeur épistémologique de l’objet « parti » suivant les lieux où il se manifeste. La relation entre partis et changement de régime y est abordée dans une perspective délibérément très large, selon la redéfinition des acteurs admis à participer à la représentation politique. Quels sont les effets du changement de régime sur la délimitation de l’ensemble des acteurs habilités à « faire de la politique » ? Et dans quelle mesure les transformations de ces acteurs vont-elles modeler le changement de régime ? Pour saisir ces intrications dans toute leur complexité, une approche étroitement institutionnelle ne saurait suffire. Il convient plutôt d’envisager le processus de démocratisation selon la nature, le nombre et la catégorie d’appréhension des acteurs qui participent ou prétendent à participer à la compétition politique.
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